Journée internationale des femmes de science: interview avec Jolien et Sarah

Jolien Van Opdenbosch et Sarah Coppens sont les deux femmes météorologues au Bureau du Temps à Uccle. Elles ont découvert leur passion pour la météo dès l'adolescence. Lors de cette journée internationale des femmes et des filles de science (chaque année le 11 février), ces deux femmes ambitieuses partagent avec nous leurs expériences professionelles au Bureau du Temps de l'IRM.

Passion pour la météo ET la science

La passion pour la météo de Sarah a commencé lors de son adolescence lorsqu'elle a appris à voler en parapente. L'interêt de Jolien pour la météorologie, la climatologie et le changement climatique s'est éveillé lors de ses dernières années de secondaire. "Parce que je voulais en savoir plus, et parce que, secrètement, je voulais pouvoir faire ce que les présentateurs météo font à la télé, j'ai décidé d'étudier la géographie."

Sarah a aussi fait des études de géographie. D'ailleurs, il n'existe à ce jour aucune formation spécifique pour devenir météorologue. La météorologie est une science appliquée pour laquelle un bagage scientifique est désirable. Lors de ses études, Sarah a suivi un cours d'introduction à la météorologie. "Ce n'est pas vraiment sur les bancs de l'école que j'ai appris ce métier, mais bien auprès de mes collègues du Bureau du Temps", nous explique Sarah. "Une formation scientifique est nécessaire afin de pouvoir postuler pour ce job. La composante aérienne de l'armée organise toutefois des cours spécifiques à Beauvechain, parfois déjà accessibles aux étudiants universitaires."

C'est exactement ce cours que Jolien a suivi lors de ses études en géographie. "Pendant ce cours, j'ai acquis des compétences de base que j'utilise tous les jours au Bureau du Temps. Ce cours était sans doute le plus chouette de toute ma formation et aussi le premier cours où on était obligé de regarder ce qui se passait à l'extérieur ou dans le ciel. Lorsqu'une place de prévisionniste s'est libérée à l'IRM, je n'ai pas hésité à me présenter. C'est un travail difficile, mais qui peut vous donner un boost dès que la prévision se vérifie."

"Ce n'est toutefois pas sur les bancs de l'école que j'ai appris ce métier, mais bien auprès de mes collègues du Bureau du Temps." (Sarah)

Sarah nous raconte qu'en météorologie: "Plusieurs phénomènes scientifiques, parfois complexes, entrent en jeu et comprendre ce qui se déroule dans l'atmosphère d'un point de vue scientifique/théorique aide à l'élaboration d'une prévision. Il ne faut toutefois pas perdre de vue le côte opérationnel du métier, soumis à des échéances fixes, qui nécessite de savoir prendre des décisions sans avoir parfois tous les éléments en main."

"Une autre compétence scientifique importante dont un météorologue a besoin, c'est d'arriver à analyser de manière critique les différentes sources de données. Un météorologue fait la différence en affinant les données et en les adaptant à la situation météorologique actuelle en fonction de ses propres idées et connaissances. Un modèle n'est pas simplement suivi sans réfléchir", ajoute Jolien.

En bref, les connaissances scientifiques et l'esprit critique dans l'analyse et l'interprétation des observations et des données modèles sont une valeur ajoutée unique en tant que météorologue.

Des observations et des modèles vers les prévisions finales

Avant de rédiger un bulletin météo, Sarah & Jolien analysent en détail la situation météorologique actuelle. "Avant d'élaborer de bonnes prévisions, un "diagnostique" de la situation actuelle s'impose en analysant toutes les observations disponibles, que ce soit les images satellites, les images radar ou les paramètres météorologiques (température, pression, vent, humidité, ...) relevées aux différentes stations météo disséminées."

Ensuite, différents modèles météorologiques sont comparés les uns aux autres et les météorologues se concentrent sur les modèles qui se rapprochent au mieux de la situation météorologique. "Chaque modèle a ses particularités et c'est à force de travailler avec eux qu'on apprend à mieux les interpréter et à en tirer profit correctement pour élaborer de bonnes prévisions. A l'heure actuelle, ce n'est pas le nombre de modèles qui manque. Au contraire, il y en a de plus en plus. Le prévisionniste doit du coup rapidement savoir, au vu de la situation, quels seront ses meilleures alliés du jour."

Enfin, pour faire un bulletin météo tel qu'il apparaît sur notre site et notre application mobile, ils élaborent les prévisions météorologiques pour différentes régions de Belgique. Ce faisant, ils prennent en compte les phénomènes météorologiques locaux tels que l'effet de la brise marine, qui n'est pas toujours inclus dans les modèles. Transmettre cette information complexe et volumineuse dans un bulletin météo court et clair, constitute selon Jolien et Sarah une part importante et aussi l'un des plus grands défis de leur métier. "C'est notre challenge quotidien et une étape cruciale; à quoi bon parvenir à faire une bonne prévision si celle-ci n'est pas compréhensible par le public ! C'est cet aspect qui rend à mes yeux ce métier complet. Toutefois, ce n'est pas toujours évident car c'est assez tentant de vouloir être précis et expliquer tous les phénomènes auxquels on a à faire, mais cela peut noyer le message principal", raconte Sarah.

"En fonction de la situation météorologique, nous alternons des journées chargées avec des journées moins chargées, et les trois différentes fonctions du Bureau du Temps (prévisionniste principal (court terme), moyen terme et très court terme) offrent une variété suffisante." (Jolien)

Jolien continue d'expliquer: "Les gens veulent savoir s'il fera chaud / froid et s'il y aura (ou pas) des précipitations, et non quel front passe. C'est pourquoi nous essayons de mettre l'accent sur les choses les plus importantes sans nous perdre dans les détails, même si ce n'est pas toujours facile."

"Lors de situations météorologiques extrêmes, comme une tempête, nous nous rendons compte de la plus-value de notre travail de prévisionniste et de la contribution que l'on peut apporter à la société. Nous en retirons beaucoup de satisfaction", déclarent Jolien et Sarah. Dans des moments comme ça, on peut être très occupé et très stressé au Bureau du Temps. Une communication rapide, correcte et claire avec les médias, les autorités et le public est d'autant plus importante dans de telles situations météorologiques. Ce qui rend le travail de ces deux femmes encore plus intéressant.

Pas d'horaire de bureau - Pas de métro-boulot-dodo

Les deux femmes trouvent les horaires irréguliers difficiles, et cela nécessite beaucoup de flexibilité de leur part et de leur entourage. Mais l'avantage est que "chaque jour, chaque saison est un nouveau défi avec une situation météorologique unique."

"Selon la météo, des journées chargées alternent avec d'autres moins chargées, et les trois différentes fonctions du Bureau du Temps (prévisionniste principal (court terme), moyen-terme et très court terme) offrent suffisamment de variété", explique Jolien.

"J'aime vraiment l'aspect opérationnel du métier et le travail d'équipe", ajoute Sarah. Jolien conclut: "C'est un métier atypique avec un horaire et un rythme de travail atypiques (travail en semaine et en week-end, jour et nuit, longues équipes, ...) et cela demande donc une certaine flexibilité, mais cela en vaut la peine."

Y a-t-il une différence entre un bulletin météo rédigé par un homme ou une femme ? Pour Sarah, c'est un peu réducteur d'imaginer que les différences dans ce métier se limitent au fait que le prévisionniste soit un homme ou une femme : "Je pense que c'est plutôt la sensibilité (individuelle) qui peut être à l'origine de différences, ou plutôt de nuances, dans ce métier." Jolien ajoute que le plus important est que la prévision établie soit correcte et considère que c'est plutôt un compliment que le public ne parvienne pas à discerner si c'est un homme ou une femme qui l'a effectué.

Et puis elles étaient deux

Quand Sarah a débuté à l'IRM, elle a été très surprise d'être la première femme météorologue au Bureau du Temps. Malgré un peu de fierté, elle était surtout contente qu'il y ait enfin une femme prévisionniste. Depuis l'arrivée de Jolien en décembre 2019, elles sont deux. "À l'époque, on m'a donné « les heures de travail irrégulières » pour expliquer le fait qu'aucune femme n'y travaillait", explique Sarah. Toutefois, d'après elle, il ne s'agit pas d'un problème exclusivement féminin. Ses collègues masculins doivent également y faire face, en particulier ceux qui ont des enfants. Jolien trouve aussi étrange que si peu de femmes travaillent à l'IRM, et certainement au Bureau du Temps. Les deux femmes aiment leur travail et, espèrent, avec cet entretien, inspirer d'autres femmes à suivre leurs traces.

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