Observations historiques d'inondations (troisième partie)

Nos observations historiques d'inondations font l'objet de trois articles. Voici le troisième qui traite des inondations depuis 1950 jusqu'à aujourd'hui.

Les inondations majeures en Belgique de 1950 à aujourd'hui.

Si le début des observations météorologiques régulières en Belgique débute en 1833 à l'Observatoire à Saint-Josse-ten-Noode dans la région bruxelloise, il faudra attendre la fin du 19ème siècle pour voir le réseau climatologique belge commencer à se développer dans tout le pays. Grâce à ce réseau d’observateurs, l’Observatoire, dont la branche météorologique deviendra l’IRM en 1913, va alors disposer de données d’observations de plus en plus nombreuses en provenance des différentes régions du pays. Des informations chiffrées particulièrement utiles en ce qui concerne les totaux de précipitations, ce qui va permettre par exemple de pouvoir analyser en détail les épisodes pluvieux les plus remarquables et aussi les conséquences qui peuvent parfois en découler, comme les inondations.

Nous nous proposons ici de revenir sur quelques inondations majeures qui ont touché notre pays depuis 1950. 

Janvier–Février 1953

Dans la nuit du 31 janvier au 1er février, une violente tempête de secteur nord-ouest, accompagnée d'une forte marée, provoque des inondations catastrophiques en Belgique, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne. C'est à la côte que les éléments déchaînés causent les plus gros ravages. Un certain nombre de digues sont éventrées par la violence des flots et l'eau, en s'engouffrant dans les nombreuses brèches, envahit plusieurs cités côtières. Dans la ville inondée d'Ostende, on déplore plusieurs victimes. Plus à l'intérieur des terres, la tourmente n'épargne pas d'autres régions, et plus particulièrement le pays de Waes où la rupture de digues dans la région de Beveren, à Melsele et Kallo, cause d'importantes inondations. Durant la nuit, on relève des pointes de vent de 122 km/h à Anvers et 115 km/h à Ostende. Si, en Belgique, le tribut humain payé à cette tempête reste relativement limité – le chiffre varie entre 14 et 22 victimes, selon différentes sources – mais le bilan est en revanche dramatique aux Pays-Bas et prend les proportions d'une catastrophe nationale, avec plus de 1800 victimes.

L’inondation à Lillo au nord d’Anvers début février 1953.

L’inondation à Lillo au nord d’Anvers début février 1953.

Janvier 1976

Une violente tempête sévit en ce début d'année 1976 dans le pays, dans la nuit du 2 au 3 janvier. On relève des pointes de vent jusqu'à 150 km/h à Ostende. Cette tempête, associée à une forte marée, provoque la rupture de plusieurs digues dans les régions de l’Escaut, de la Durme et du Rupel, ce qui entraîne d’importantes inondations. C’est au niveau de Ruisbroek (Puurs), en province d'Anvers, que l’inondation est la plus catastrophique, les trois-quarts du village se retrouvant sous eau.

La police militaire patrouille dans les rues désertées de Ruisbroek au début janvier 1976.

Février 1984

Fin janvier et début février 1984, Il pleut abondamment en Belgique. Une pluie qui se transforme temporairement en neige et qui permet brièvement une belle accumulation neigeuse en Ardenne fin janvier. A Chiny, on relève à la date du 8 février un des totaux pluviométriques sur trente jours les plus élevés du 20e siècle dans notre pays: 464,6 mm. Les pluies particulièrement abondantes des derniers jours – on a mesuré à Chiny 176,0 mm entre le 3 et le 8 février – provoquent d'importantes inondations, aggravées aussi par la fonte d’une partie de la neige tombée sur le relief. Débutant en Ardenne, elles s'étendent ensuite à la plupart des régions du pays.

L’une des images fortes de ces inondations restera le geste du roi Baudouin, venu réconforter les victimes des inondations dans la vallée de l’Ourthe, offrant son manteau à une sinistrée désemparée.

https://www.sonuma.be/archive/manteau-royal-pour-une-sinistree

Décembre 1993

Les inondations de la fin du mois de décembre 1993 comptent parmi les plus catastrophiques de notre histoire contemporaine. Elles sont dues pour l'essentiel à des totaux pluviométriques mensuels exceptionnellement élevés dans l'ensemble du pays. Les valeurs les plus importantes sont observées en Ardenne : 436,7 mm à Dohan (Bouillon); 410,7 mm à Arlon; 399,3 mm à Libramont (Libramont-Chevigny) et 374,3 mm à Sugny (Vresse-sur-Semois).

A Maaseik et dans ses environs, 1600 personnes évacuées en urgence, sont contraintes de passer le réveillon de Noël dans des centres d’accueil ou doivent être hébergées par leur famille.

Evacuation de sinistrés à Dilsen-Stokkem fin décembre 1993.

Janvier 1995

Treize mois après les inondations catastrophiques de décembre 1993, la fin du mois de janvier 1995 est marquée par des inondations à nouveau d'une ampleur tout à fait exceptionnelle. Elles touchent principalement le bassin de la Meuse et s'expliquent surtout par les pluies abondantes qui arrosent le pays depuis la fin décembre 1994. Ces précipitations atteignent leur plus forte intensité de la dernière décade de janvier et elles s’ajoutent aussi à ce moment à la fonte d’une couche de neige présente en Ardenne depuis le début du mois de janvier. Durant la seule journée du 22 janvier, on mesure un cumul de précipitations jusqu'à 70,2 mm à Gedinne.

Totaux journaliers de précipitations mesurés le 22 janvier 1995.

Totaux journaliers de précipitations mesurés le 22 janvier 1995.

Pour le mois de janvier, on relève à Uccle un total de 143,6 mm au pluviomètre : c'est le record du 20ème siècle pour le premier mois de l'année (normale : 68,4 mm). Ailleurs dans le pays, plusieurs cumuls mensuels sont également tout à fait exceptionnels : 392,8 mm à Libramont (Libramont-Chevigny); 391,0 mm à Dohan (Bouillon); 284,5 mm à Arlon et 239,9 mm à Thirimont (Beaumont).

La Meuse à Dinant fin janvier 1995.

La Meuse à Dinant fin janvier 1995.

Les conséquences de ces précipitations très abondantes sont dramatiques en Belgique, mais plus encore chez nos voisins néerlandais, où la montée des eaux de la Meuse, mais aussi du Rhin et du Waal et la menace de ruptures de certaines digues, imposent l’évacuation de 250 000 personnes.

Novembre 2010 et janvier 2011

En novembre 2010, notre pays est à nouveau confronté à des inondations de grande ampleur. Il pleut depuis le 9 novembre, mais ce sont les journées des 12 et 13 novembre qui sont les plus arrosées et qui vont entraîner en de nombreux endroits du pays de graves inondations. On relève les précipitations les plus importantes dans une large bande allant du sud-ouest au nord-est du pays en passant par le centre.

La quantité totale de précipitations qui est tombée entre le 9 et 13 novembre est exceptionnelle pour un tiers des stations du réseau climatologique et seules les provinces de Liège et de Luxembourg échappent à ces pluies spectaculaires. Les totaux relevés dans les régions les plus arrosées se situent entre 89,5 mm à Kerckhove, dans la communce d'Avelgem en province de Flandre occidentale et 145,1 mm à Petite-Chapelle, dans la commune de Couvin en province de Namur.

Les cours d'eau débordent en de nombreux endroits. La situation est particulièrement critique au niveau de la Senne et de ses affluents. Tubize est durement touchée.  Fait extrêment rare, le canal Bruxelles–Charleroi déborde en plusieurs endroits, notamment au niveau de Beersel et Sint-Pieters-Leeuw provoquant là aussi des inondations.

L'IRM émit depuis le 11 novembre des alertes, certaines provinces indiquent même un code orange ou rouge pour les fortes précipitations et leurs conséquences dans certaines provinces.

Orange : On prévoit des très fortes pluies : soit des averses fréquentes ou très intenses, soit des pluies très abondantes et incessantes sur des vastes régions ou si auparavant des fortes précipitations y étaient déjà tombées. Ces conditions météorologiques peuvent donner lieu à des problèmes locaux causés par l'eau en plusieurs endroits de la région ou à des débordements d'eau sur des vastes étendues. La prudence s'impose !
Rouge : On remarque qu’ il y a déjà beaucoup de débordements d'eau observés dans la région et au vu de la situation météorologique, on prévoit encore beaucoup de précipitations de sorte que la situation ne s’améliorera pas mais risque au contraire de s'aggraver.

L’alerte de l’IRM au matin du 14 novembre 2010 (source: IRM).

L’alerte de l’IRM au matin du 14 novembre 2010 (source: IRM).

Par la suite, après une parenthèse froide et neigeuse en décembre 2010, une partie du pays connaît à nouveau des inondations assez importantes début janvier 2011.  Cette fois, c'est à l'est du sillon Sambre-et-Meuse que la combinaison d'un redoux brutal faisant fondre l’importante couche de neige accumulée en Ardenne, et des précipitations abondantes expliquent que, localement, des rivières sortent de leur lit et provoquent à nouveau des inondations.

Cookies enregistrés