Un océan Arctique sans glace de mer en été pourrait devenir une réalité dès les années 2030, avec des conséquences mondiales telles que des vagues de chaleur plus intenses, des tempêtes plus violentes et des écosystèmes perturbés. Dans le cadre du nouveau projet IcyAlert, des chercheurs de l'Institut météorologique danois (DMI), de l’Institut Royal Météorologique de Belgique (IRM) et de l'Université technique du Danemark (DTU) utiliseront une combinaison de modèles climatiques, de méthodes causales et d'intelligence artificielle (IA) pour développer un nouveau système d'alerte précoce pour prévoir les étés sans glace de mer arctique et leurs impacts.
IcyAlert – Le projet
IcyAlert signifie « Intelligent Climate Early Warning Alert for Arctic Ice-Free Summers » et sera financé par la Fondation Novo Nordisk du Danemark de fin 2025 à fin 2031. L'objectif principal du projet est de développer un modèle de prévision avancé afin de mieux prédire les étés sans glace de mer arctique plusieurs mois à l'avance.
Le projet sera dirigé par le DMI (PI : Tian Tian), en collaboration avec l’IRM (PI : Stéphane Vannitsem) et le DTU (PI : Tommy S. Alstrøm). Il combinera l'expertise des trois groupes pour développer un système d'alerte précoce : modélisation climatique (DMI), analyse causale (IRM) et IA à grande échelle (DTU). Dans le cadre de ce projet, le consortium bénéficiera d'un accès privilégié au supercalculateur Gefion dédié à l'IA.
Pourquoi est-ce important ?
Avec le changement climatique actuel, l'Arctique se réchauffe près de quatre fois plus vite que la moyenne mondiale et l'étendue de la glace de mer estivale diminue rapidement. La glace de mer est de l'eau de mer gelée qui flotte à la surface de l'océan. Elle couvre environ 15 millions de km² de l'océan Arctique à la fin de l'hiver et 5 millions de km² à la fin de l'été. Au rythme actuel de la fonte des glaces, l'Arctique pourrait connaître son premier été sans glace (étendue totale de la glace de mer inférieure à 1 million de km²) dès les années 2030.
La perte de la glace de mer arctique a déjà rendu les routes maritimes plus accessibles. Cependant, ses effets négatifs potentiels sont nombreux, notamment d'importants changements dans la circulation atmosphérique aux latitudes moyennes, un risque accru d'événements extrêmes (par exemple, hivers rigoureux, vagues de chaleur marine, tempêtes, etc.) non seulement dans l'Arctique, mais aussi en Europe, en Amérique du Nord et en Asie, ainsi que des menaces pour les communautés et la biodiversité de l'Arctique. Il devient donc de plus en plus important de mieux prévoir le moment où l'Arctique sera libre de glace.
Quel sera le rôle de l’Institut Royal Météorologique ?
Dans le cadre du projet IcyAlert, l’IRM apportera son expertise en matière d'analyse causale afin d'identifier les conditions favorables à un océan Arctique sans glace de mer, ainsi que ses impacts climatiques. L’Institut a déjà utilisé ces méthodes causales dans diverses études climatiques (par exemple pour étudier les régions du Pacifique Nord et de l'Atlantique, ainsi que la glace de mer arctique). Les méthodes causales permettent d'aller au-delà des analyses de corrélation traditionnelles et d'identifier les relations de cause à effet entre les variables climatiques.
L’IRM travaillera en étroite collaboration avec le DMI et le DTU afin de combiner les méthodes causales avec des modèles climatiques globaux et une IA explicable (figure 1), ce qui permettra de développer un outil de prévision puissant. Stéphane Vannitsem supervisera le projet, avec David Docquier comme chercheur postdoctoral (Unité de météorologie et climatologie dynamique). « Avec ce projet, nous voulons non seulement faire progresser le domaine de la science du climat, mais aussi contribuer à une meilleure préparation de nos communautés dans le contexte actuel du changement climatique », explique David Docquier.
Figure 1 : Schéma illustrant les principaux domaines d'expertise des trois instituts participant au projet IcyAlert (AI: artificial intelligence; ML: machine learning), les trois objectifs clés O1-O3 (CMIP: Coupled Model Intercomparison Project; IFA: ice-free Arctic) et quelques exemples d'impacts (symboles au milieu) qui seront analysés dans le cadre d'IcyAlert (par exemple, vagues de chaleur, vagues de froid, sécheresses, trans-port maritime, inondations). Crédit : Tian Tian (DMI).