L'hiver 2022 s'est terminé par de violentes tempêtes, dont la tempête Eunice qui a été l'une des plus puissantes depuis près de 20 ans. Ces tempêtes hivernales successives sont-elles inhabituelles ? Et quel est le rôle du changement climatique ?
Quatre tempêtes d’affilée : remarquable mais pas exceptionnel
Fin janvier, la tempête Corrie est passée sur la Belgique et dans la seconde moitié de février, trois tempêtes consécutives se sont abattues sur le pays (Dudley, Eunice et Franklin). Les tempêtes pendant les mois d'hiver sont un phénomène annuel. Quatre tempêtes en si peu de temps, c'est remarquable et cela n'arrive pas souvent, mais ce n'est pas exceptionnel. En février 2020, par exemple, quatre tempêtes sont passées sur notre pays en un court laps de temps (Ciara, Dennis, Ellen et Francis). En 2019, 2012, 2009, 2008 et 2007, il y a également eu plusieurs jours consécutifs avec des vitesses de vent élevées, d'au moins 9 Beaufort (force minimale du vent qui doit être mesurée sur terre ou sur le territoire maritime belge pour pouvoir parler de tempête). C'est en 1990 que nous avons connu un nombre record de tempêtes en peu de temps : il y a eu 9 tempêtes entre le 25 janvier et le 28 février.
#StormEunice is lashing the UK and Northern Europe with 💨 winds of ~200 km/h
— Copernicus EU (@CopernicusEU) February 18, 2022
8 casualties have been reported in 🇧 🇳 🇮 #Eunice as seen by #Copernicus#Sentinel3 🇪 🛰 today 18 February pic.twitter.com/U4Hl1Nx067
L'origine des tempêtes telles qu'Eunice et Franklin se trouve dans le courant-jet, un vent fort à 10 km d'altitude qui fait le tour de la terre d'ouest en est. Lors des tempêtes successives, ce courant-jet était très puissant. Lorsqu'un courant-jet aussi puissant passe à proximité d'une zone de basse pression à la surface, cela peut donner naissance à une tempête, voire à une série de tempêtes.
La zone de basse pression à la surface se forme sur la zone de conflit entre l'air froid venant des pôles et l'air chaud remontant des régions subtropicales. La circulation (anti-horlogique dans l’hémisphère nord) autour de la dépression conduit à une poussée d’air chaud à l’avant de celle-ci; il s’agit du front chaud. A l’arrière de la dépression, c’est, au contraire, une intrusion d’air froid qui se produit; il s’agit du front froid. La progression du front chaud et du front froid modifie la distribution de température en surface.
Le courant-jet en altitude, conditionné par les différences de températures sous-jacentes, subit alors des changements de vitesse et/ou de direction; cela provoque des zones d’ascendances. Lorsque ces mouvements d'air ascendant coïncident avec ceux de la zone de basse pression en surface, la zone de basse pression se creuse rapidement et une forte chute de pression s'ensuit, ce que l'on appelle une cyclogenèse explosive. Les vents autour du centre de la dépression deviennent alors rapidement intenses. Au fur et à mesure que le système de basse pression continue d'évoluer, le front froid se rapproche du front chaud et l'étau d'air froid se resserre ainsi autour d'un secteur chaud de plus en plus réduit.
Dans le cas d'Eunice et de Franklin, de l’air issu du secteur chaud semble s’être enroulé autour du centre de la dépression,amenant ainsi à la formation d’un minimum dépressionnaire à “coeur chaud” se creusant alors davantage. Le minimum dépressionnaire à “coeur chaud” aurait alors contribué à la zone de vents forts au sein de l’air froid à sa périphérie. De plus, l'air froid est souvent siège de turbulence (brassage important); celle-ci favorise alors le transfert des vents en altitude vers la surface, ce qui entraîne une forte augmentation de la force des rafales en surface.
Dans le cas d'Eunice, c'est surtout la zone de vents forts à grande échelle qui a provoqué les rafales les plus intenses, tandis que dans le cas de Franklin, c'est surtout le front froid qui a provoqué les rafales les plus violentes. La tempête Eunice a été la plus forte de la série et a été accompagnée d'une vitesse de vent maximale de 133 km/h à Ostende.
Comment le changement climatique affecte-t-il l'occurrence des tempêtes ?
La question de savoir dans quelle mesure les phénomènes météorologiques extrêmes, comme par exemple les tempêtes hivernales passées ou les précipitations excessives de l'été 2021, sont influencés par le changement climatique peut être répondue par une étude statistique ou une étude dite d'attribution. Dans le cas des tempêtes passées, les scientifiques utilisent des méthodes qui tiennent spécifiquement compte des modifications des schémas de circulation atmosphérique dues au changement climatique.
D'une manière générale, plusieurs facteurs physiques se modifient sous l'effet du changement climatique, ce qui peut influencer l'évolution du nombre de tempêtes à l'avenir. Par exemple, la force du courant-jet est déterminée par la différence de température entre l'équateur et le pôle Nord. Plus la différence de température est grande, plus le courant-jet est fort. En raison du changement climatique et du réchauffement plus important aux pôles qu'à l'équateur, la différence de température entre les pôles et l'équateur se réduit, ce qui affaiblit l'activité du courant-jet et permet donc de s'attendre à moins de tempêtes. Outre le réchauffement des pôles, le changement climatique entraîne également un élargissement de la couche d'air inférieure ou troposphère. Cela pourrait justement provoquer plus de tempêtes.
L'effet net de l'évolution de ces différents facteurs physiques en raison du changement climatique n'est pas clair. En bref, il n'est pas encore certain que nous devions nous attendre à plus ou moins de tempêtes à l'avenir en raison du changement climatique.